Y aura-t-il alors quelqu’un qui se rappelle?
1ère partie
Par Yahya ‘Alawi (C. Bonaud)
Qu’est-ce que le Coran ? Pour les musulmans, c’est la Parole même de Dieu. Pour les non-musulmans, ce Livre mériterait à tout le moins de figurer en bonne place parmi les chef-d’œuvres de la littérature et de la sagesse universelles.
Matériellement parlant, le Coran se présente sous la forme d’un volume de taille moyenne, d’environ 600 pages lorsqu’il est imprimé avec une assez grosse écriture. Il est divisé en 114 ensembles, appelés « sourates », qui regroupent des « versets » numérotés, des versets dont le nom arabe, âya, signifie « signe », parce que ces versets sont autant de signes de Dieu, autant de symboles qui révèlent le Divin. Le nombre de versets de chaque sourate est très variable, allant de trois versets pour les plus petites jusqu’à 286 versets pour la sourate la plus longue.
Il est important de comprendre que ces sourates ne sont pas des chapitres d’une histoire suivie, comme on peut le trouver dans la Bible par exemple. Chaque sourate forme un tout indépendant, et il est même possible de trouver encore des thèmes complets et indépendants formant des sous-ensembles à l’intérieur d’une seule sourate. C’est pour cette raison que le lecteur, en particulier le lecteur occidental habitué à la lecture de la Bible ou de romans, est généralement dérouté par la lecture du Coran et par le fait que les thèmes ne se suivent pas selon une progression linéaire, mais semblent au contraire éclater comme une « pluie d’étoiles ».
C’est que le fil conducteur de la Révélation n’était autre, en réalité, que l’histoire même de la communauté musulmane naissante. Le commencement de l’histoire fut le début de cette prédication qui appelait les habitants de La Mecque à s’éveiller et à revenir à Dieu, et l’aboutissement en fut ce moment où, sachant venir sa fin, le Prophète ferma ce livre pour le confier à ses gardiens : ceux qu’il avait lui-même formés pour assumer après lui le fardeau sublime, mais ô combien pesant, de ce dépôt confié par Dieu. Entre ces deux points, ce sont les évènements que vivait la communauté qui étaient autant d’occasions pour Dieu de s’adresser à Ses fidèles pour les former, les éduquer, les enseigner, les rappeler à l’ordre ou les encourager : tantôt, telle parabole, riche d’enseignement, devait être reprise sous un autre angle, pour en développer une autre dimension ; tel récit de la vie d’un Prophète du passé devait être répété en ajoutant d’autres détails qui l’éclairaient d’un nouveau jour ; tantôt c’est une loi qu’il fallait révéler pour répondre à un problème qui venait de se poser ; des conseils qu’il fallait prodiguer pour que les individus puissent mieux vivre ensemble dans leur nouvelle société ; d’autres fois, il s’agissait de proposer à la méditation de tous des principes spirituels, des considérations morales, des sujets de réflexions sur le monde ou sur l’homme ; parfois il fallait faire peur, afin de réveiller, d’autres fois il fallait réjouir, afin de motiver…
Bref, il fallait appeler, rappeler, dire et redire, pour éduquer et former les gens à devenir de véritables « êtres humains », dans toutes les dimensions spirituelles et matérielles qui constituent l’humanité. Dieu, Créateur de l’humanité, en est aussi l’éducateur, et le Coran, comme toutes les Révélations qui l’ont précédées, est un livre de formation et d’éducation de cette humanité. Il ne faut donc pas s’étonner d’y trouver des répétitions : on n’apprend qu’en répétant. Il ne faut pas s’étonner d’y trouver des passages qui touchent aux domaines les plus divers : dans chacune de ces matières, l’homme a besoin d’être enseigné. Enfin, il ne faut pas s’étonner de le trouver comme « éclaté » : le Coran n’est pas un « cours d’humanité en dix leçons », mais une « pluie d’étoiles » tombant du ciel comme autant d’éclats de lumière à recevoir, à méditer, à comprendre et à mettre en œuvre.